Oeuvre "The raft" (créée en 2013) par Miao Xiaochun

La transformation numérique pour quoi faire ?

Oeuvre "The raft" (créée en 2013) par Miao Xiaochun
Oeuvre « The raft » (créée en 2013) par Miao Xiaochun

La soirée d’échange avec Henri Verdier à l’occasion des 20 ans du Club était une nouvelle occasion d’ouverture sur le large champ que recouvre la transformation numérique (voir lien vers l’article ci-dessous)…

Bien au-delà de l’Etat, dont Henri Verdier est le DSI groupe, les réflexions qui découlent de la souveraineté, des biens communs et d’autres notions connexes touchent la société tout entière.

Au moment où le programme Action publique 2022 engage l’ensemble de la sphère publique dans un vaste mouvement qui devrait nous rendre solidaires, des observations me conduisent dans des échappées nocturnes à quelques réflexions, partagées ci-après…

Depuis la nuit des temps, l’histoire des hommes et des civilisations nous ramène à des guerres de territoires. Mais dans mon appréciation personnelle de l’évolution, il me semble que ces batailles dérivent au-delà de la seule survie des tribus: elles visent la domination absolue. Les stratégies sont aussi diverses que perfides: attraction, rupture des chemins de repli, encerclement et, parallèlement, extermination ou réutilisation de toute initiative concurrente. Terrifiant, non? Qui gouverne le monde aujourd’hui? L’ONU, le FMI, le G20, le G7?

Cet « au-delà de la seule survie » pose plusieurs problèmes, le premier étant l’excès intrinsèquement porté dans une telle démarche d’ultra-domination. Cet excès constitue une forme d’irresponsabilité car dans l’équation implacable qui relie la production à la consommation, l’excès crée un déséquilibre, le plus souvent défavorable aux générations futures. D’une certaine manière, la lutte pour la survie se transforme en autodestruction. Incroyable contradiction qui émerge d’une société qui a hérité de tous les savoirs et qui est capable de les partager instantanément d’un bout à l’autre de la planète…

Dans le monde de l’entreprise, on retrouve des formes similaires. Les rivalités économiques donnent lieu, assez fréquemment, soit à des ententes illégales et plus ou moins éphémères, soit à des batailles dans lesquelles l’adversaire n’est épargné que s’il continue de servir les intérêts de l’entreprise dominatrice (crainte du monopole qui tomberait sous la législation anti trust). Dans les deux cas, l’équilibre est fallacieux et celui qui permettrait une saine émulation ne se résout probablement pas avec des lois mais avec du sens…

Dans les grandes organisations, on peut observer des batailles de castes: ici les X, là les énarques, ailleurs les centraliens… comme si la différence constituait un effort trop insurmontable pour envisager de collaborer avec une forme d’ « intelligence » issue d’un autre parcours, ou comme si l’origine commune était un facteur déterminant d’une organisation performante. Pourtant, ce que l’histoire de la vie nous enseigne est bien différent: la consanguinité mène à l’extinction, tandis que la variété et l’hybridation produisent des formes nouvelles toujours plus riches.

Dans cette époque bouleversée par la révolution numérique, on peut espérer qu’une nouvelle forme de conscience émerge et que l’accroissement global de la connaissance permettra d’avoir une meilleure conscience des communs et de leur fragilité. Dans ce contexte, quel meilleur encouragement pourrai-on avoir que celui qui pousse à dépasser les guerres de territoire et de de pouvoir qui son vaines pour l’humanité.

Toutes ces guerres intestines, que l’on retrouve dans la plupart des organisations, ne sont pas l’expression de la noblesse de l’humanité, mais les révélateurs de la peur, la peur de perdre quelque chose dont on se croit propriétaire, créant ainsi une crispation au lieu d’une libération créatrice, comme la suspension sans air entre l’expiration et l’inspiration suivante…

Au moment où les transformations s’imposent et déclenchent des hostilités, en se tournant vers les « communs numériques« , Henri Verdier nous propose ainsi une apologie de la paix au sein des organisations en se focalisant sur la valeur apportée à la société, à court, moyen et long terme qui sont en définitive le sens de toute son action.

Lire Sénèque nous rapproche de cette idée…

[…] Épicure dit: «Le sage n’approchera point des affaires publiques, à moins de circonstances imprévues;» et Zénon: «Le sage approchera des affaires publiques, à moins de quelque empêchement.» Le premier veut le repos par système, le second par nécessité. Or cette nécessité s’étend loin: l’État est-il trop corrompu pour qu’on puisse y porter remède, est-il envahi par les méchants, le sage ne fera point d’efforts qui seraient vains et ne se prodiguera pas en pure perte, s’il a trop peu d’autorité ou de forces; et la chose publique non plus ne l’acceptera pas, si sa mauvaise santé y fait obstacle. Comme il ne lancera pas en mer un vaisseau délabré, et ne donnera pas son nom pour la milice s’il est débile de corps, ainsi n’abordera-t-il pas une tâche qu’il saura inexécutable pour lui. On peut donc, même avec des ressources encore entières, sans avoir encore éprouvé nulle tempête, se tenir à l’abri, et tout d’abord se consacrer aux bonnes études, suivre en un mot cet heureux loisir, ce culte des vertus que peuvent pratiquer les mortels même les plus amis du repos. Qu’exige-t-on de l’homme en effet? Qu’il soit utile à beaucoup, s’il le peut; sinon, à quelques-uns; sinon encore, à ses proches; ou enfin, à lui-même. Car se rendre utile à autrui, c’est travailler au bien commun. Comme quiconque se déprave ne se nuit pas à lui seul, mais nuit encore à tous ceux que, meilleur, il eût pu servir; de même qui mérite bien de son âme rend service à la société; car il lui prépare un homme qui la servira un jour. […]

Sénèque, Éloge de l’oisiveté

 

 

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