Illustration systèmes complexe

Hexagone Balard, exemple de gestion de projets complexes

photo Hexagone Balard
photo Hexagone Balard

Lundi 4 avril 2016 le Club MOA a reçu le Général de corps aérien Grégoire BLAIRE, Directeur central de la DIRISI, au ministère de la Défense.

Dans un première partie il a présenté les SIC de la du ministère, leur organisation, leur évolution et les enjeux, notamment opérationnels. En seconde partie, son exposé sur l’opération « Balard » [consistant à regrouper l’ensemble des services du ministère de la Défense ainsi que le commandement des armées françaises] a permis de mesurer avec exactitude les difficultés et les réussites d’un projet d’une taille considérable et le rôle de la DIRISI.

En introduction Jean Yves LIGNIER, le président du Club MOA, évoque les différentes rencontres du Club au cours desquelles a été abordé ce sujet de la complexité, mettant en évidence qu’il s’agit d’une thématique d’intérêt de souvent citée par les grandes organisations adhérentes du Club.

1 La DIRISI : L’opérateur des SIC de la Défense

1.1 Généralités sur les SIC

Les SIC sont au cœur de la transformation de la société. Ils sont utilisés par tous les métiers et toutes les organisations. Ce sont des « artefacts » dont l’ensemble des caractéristiques montrent la difficulté de création, de gestion et d’évolution.

Le SIC doit répondre à de nombreux défis, parfois antagonistes deux à deux :

  • La mobilité que l’évolution de la technologie rend de plus en plus prégnante.
  • La pérennité car les SIC sont devenus indispensables à la vie des systèmes en général.
  • La souplesse pour se déformer suivant les évolutions de l’architecture du système associé.
  • La sécurité, garante de la pérennité et de la fiabilité.
  • La performance au sein d’un monde ultra concurrentiel.
  • La capillarité afin de diffuser facilement dans toutes les couches du système associé.
  • Enfin l’interopérabilité. Dans un contexte de mondialisation, le SIC doit pouvoir se connecter et recevoir des informations des autres SIC. Son évolution doit être permanente, c’est une question de survie.

La DIRISI est l’opérateur SIC du ministère de la Défense. Les forces armées et les formations attendent beaucoup des SIC et par conséquent de la DIRISI.

1.2 Rôles des SIC et missions de la DIRISI

La mission principale de la DIRISI est de répondre au besoin opérationnel, c’est-à-dire :

  • Disposer des systèmes permettant de planifier, commander et conduire les opérations dans un cadre national ou en coalition.
  • Atteindre la supériorité informationnelle par la mise en réseau généralisée des acteurs opérationnels.
  • Concevoir de manière coordonnée nos systèmes afin d’en rationaliser leur réalisation, de faciliter leur interconnexion et assurer leur interopérabilité.
  • Sécuriser nos systèmes et nos réseaux pour garantir la confidentialité appropriée, l’intégrité des informations et contribuer à leur disponibilité.
  • Poursuivre la logique d’économie des moyens.

En matière de dissuasion, la DIRISI est responsable de l’acheminement de l’ordre de tir 7j/7. Pour cela elle assure la maîtrise de bout en bout et la permanence 24h/24, d’un réseau SIC à très haute disponibilité. Elle assure la direction des réseaux de transmission des forces nucléaires françaises.

Elle a en charge la cybersécurité du système de défense français. Elle assure la transmission des informations pour les actions de l’état en mer (AEM).

Elle participe à la Posture Permanente de Sûreté (PPS). La posture permanente de sûreté repose sur la dissuasion nucléaire, la prévention (pré-positionnement des forces, capacité d’appréciation autonome) et la protection du territoire. Elle constitue le socle des missions des armées.

La DIRISI a en charge le déploiement d’urgence de SIC de crise :

  • La mise à l’échelle de moyens SIC existants.
  • La planification à froid (par exemple le plan Neptune : la crue centennale de la Seine).
  • L’interconnexion de la Défense aux moyens interministériels.

La DIRISI est en charge de maintenir les SIC qui couvrent les opérations extérieures de la France. (Actuellement 14 sites de par le monde) via par exemple les liaisons satellitaires.

En résumé la DIRISI met en œuvre les liaisons du niveau stratégique jusqu’au niveau tactique afin de garantir, en temps réel, précision et qualité pour toutes les missions confiées à l’armée française.

2 Organisation

L’arrêté du 4 mai 2012 organise la DIRISI.

Elle est organisée en 7 Directions Locales sur le territoire de la métropole(DL) Bordeaux, Brest, Lyon, Metz, Île-de-France Rennes et Toulon et en 10 directions locales outre-mer Cayenne, Fort de France, St Denis de la Réunion, Nouméa, Papeete, Abu Dhabi, Dakar, Djibouti, Libreville.

A ces Directions Locales sont associées des relais locaux au nombre de 39 : les CIRISI (Centre Interarmées des Réseaux d’Infrastructure et des Systèmes d’Information) et 138 détachements.

L’échelon central comporte 11 centres nationaux. Les centres nationaux regroupent des compétences et des ressources rares et précieuses qui sont mises à la disposition de tous les clients de la DIRISI. Ils sont, pour la plupart, placés sous le commandement opérationnel du « Service conduite opérations exploitation » (SCOE). Le COD (centre d’opération de la DIRISI) est la « tour de contrôle » de ce commandement : il pilote l’ensemble des activités de « production » de la DIRISI et assure au quotidien le contrôle opérationnel de ces centres.

Quelques centres sont placés sous le commandement opérationnel de la sous-direction de la sécurité des systèmes d’information.

L’organisation est adaptée pour assurer le soutien à distance et le soutien à proximité.

3 Evolutions et enjeux

Les enjeux de la DIRISI peuvent se résumer ainsi : achever la transformation du domaine SIC, en assurant sans rupture les manœuvres humaines, territoriales et techniques au sein d’une activité en constante augmentation avec des ressources en constante réduction.

Le « planning » se déroule de 2003 à 2020. La continuité de l’effort n’est, en l’occurrence, pas un vain mot.

3.1 Le modèle de rupture

Avant :

  • Eparpillement des outils matériels et logiciels.
  • Eparpillement des infrastructures (locaux techniques sur la totalité des sites).
  • Eparpillement des Ressources Humains.

Après :

  • Regroupements RH par capacité au sein de centres nationaux (Ex : création du soutien à distance, complémentaire du soutien de proximité).
  • Rationalisation et centralisation des infrastructures SIC pour bâtir un Cloud privatif.
  • Actualisation annuelle de l’adéquation entre les besoins prévisibles des ADS et les capacités de la DIRISI (Plan de développement SIC bâtis avec chaque grand compte).

Le nouveau modèle permet :

  • De gagner en réactivité.
  • D’optimiser la structure de la DIRISI, dorénavant organisée autour d’une épine dorsale constituée de centres de services partagés (projet DIRISIX).
  • D’aider les armées, directions et services (ADS) à se moderniser par les SIC (projet QUARTZ).
  • De rendre la DIRISI plus robuste vis-à-vis de la transformation des ADS.

3.2 La méthodologie capacitaire

La transformation de la DIRISI est conduite selon une démarche capacitaire. Elle repose sur 12 schémas directeurs capacitaires annuels glissants à 4 ans, s’étalant de 2014 à 2018. Un comité directeur des capacités gère et dirige l’ensemble.

3.3 Les ressources humaines
D’une façon générale les personnes ont besoin de savoir « où elles vont ». Il y a nécessité d’éclairer leur avenir. Cela vaut pour les personnels militaires et civils. Quels postes sont-ils susceptibles d’occuper dans 3 ans ? dans 5 ans ?

Dans le cas de l’opération BALARD, l’accompagnement au changement a été important : conférences plénières, visites du site en construction, protocole d’accueil le jour du déménagement, correspondant local, etc.

Au moment où le projet a nécessité des renforts, des personnes de province sont venues à Paris. Elles ont ainsi pu prendre la mesure du programme et comprendre leur rôle et l’intérêt du projet. Il est indispensable que, dans la mesure du possible, les personnes s’approprient le projet et y trouvent leur intérêt. Enfin l’implication quotidienne et « visuelle » du « Chef » est très certainement un facteur déterminant de la conduite des équipes. L’aspect « confiance » est fondamental.

4 L’Opération BALARD : Déménagement du ministère de la Défense.

Huit ans après son lancement, le projet de regroupement du ministère de la Défense a pris forme en 2015. Ce regroupement s’est fait sur le site de BALARD (ancienne base aérienne 117) à l’ouest de Paris. Il s’est agi d’installer sur un même site la DGA, Le SGA et le CEMA .

OPALE a été créé pour la circonstance. C’est un consortium d’entreprises privées emmenées par les entreprises Bouygues et Thalès

Les prestations demandées à OPALE ont été les suivantes :

  • Conception architecturale et technique
  • Prestations de services SIC
  • Entretiens et maintenance des bâtiments
  • Nettoyage
  • Restauration
  • Gardiennage extérieurCinq chantiers ont été confiés directement à OPALE :
        • Equipements bureautiques (9064 portables, 6045 postes fixes)
        • Vidéo conférence et murs d’images (82 salles équipées en visio)
        • Réseaux informatiques (19 000 prises réseau)
        • Environnements datacenters (350 m2 de salles blanches sur 2 parcelles)
        • Service téléphonique sur IP (10 000 téléphones)

    Dans le cadre de cette externalisation maîtrisée :

        • OPALE respecte une répartition de responsabilités précise et claire.
        • Les tâches sensibles demeurent sous le contrôle ou l’exécution de la DIRISI.
        • La réversibilité est prévue en cas de crise majeure.
        • La manœuvre du déménagement s’est étendue de la mi-mars 2015 à fin novembre 2015. Le premier semestre fut difficile par rapport au scénario initial. La priorité fut donnée au Commandement Des Armées (CDA). Malgré les difficultés rencontrées les objectifs ont été remplis.
        • Le déménagement du pôle opérations, en bloc sur le premier semestre, s’est déroulé sans incidence sur la conduite des opérations.
        • Le déménagement était réalisé au 15 novembre pour les entités planifiées sur l’année 2015.
        • Le démantèlement des sites libérés par la Défense a été effectif.
        • Le Général BLAIRE indique l’importance d’avoir mis en place un point focal d’appel pour tous les problèmes d’exploitation rencontrés Le COMSIC. Ce dispositif centralise l’expression des besoins et vérifie leur cohérence et leur bien-fondé.
        • D’autre part le pilotage au jour le jour, avec établissement quotidien du Reste à Faire (RAF) et un point de contact unique avec le prestataire a été un facteur important de la bonne marche de l’organisation.

    4.1 Constats et enseignements

        • La mise en place d’une double structure (PCDEM et CODEM ) a été déterminante pour permettre la tenue des objectifs de déploiement.
        • La préparation et la conduite du déménagement ont demandé de nombreuses ressources humaines en renfort sans lesquels la manœuvre n’aurait pas réussi.
        • Les outils de la chaine DIRISI ont correctement fonctionné mais ont nécessité en continu des adaptations et vérifications locales déterminantes pour la réussite des opérations techniques.
        • L’usage systématique de la métrologie SI et SC doit permettre de fonctionner en mode préventif, plutôt que curatif. C’est un axe lourd. Pour un problème d’une certaine épaisseur, si, par exemple trois causes sont possibles, quelle est la bonne ? Seule la métrologie pourra donner une réponse étayée.
        • Le test des outils en charge. Il faut se méfier des effets d’échelle. Un outil peut donner satisfaction pour, par exemple, 50 composants et être totalement défaillant pour 1000.
        • La gestion de la configuration, terme pris dans une acception très large, est une condition nécessaire de succès sur la durée. La DIRISI gère 584 000 licences de produits divers.
        • Il y a une nécessité vitale d’un réel partenariat entre le sous-traitant (OPALE/THALES) et le donneur d’ordre (DIRISI). Le suivi technico-financier a été beaucoup plus important qu’imaginé. Une opération de cette taille nécessite une capacité d’analyse permanente ainsi qu’un dialogue continu entre les structures techniques et de sécurité (NOC/SOC ) des deux organismes (Thales et CIRISI).
        • L’opération BALARD a été une source de rationalisation importante. Par exemple il y avait 35 applications pour gérer le courrier. Désormais il n’y en a plus qu’une seule. De même pour la configuration des postes de travail. Ce qui a été développé pour l’opération BALARD sert à toutes les structures du ministère de la Défense et des Armées.

    Balard restera une structure particulière, à la fois CIRISI et proche d’un centre national.

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